Football et bourse : un pari gagnant ?

Pablo René-Wormsaprile 07
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Juventus Turin, Ajax Amsterdam, Olympique Lyonnais, Borussia Dortmund. Autant de noms qui font rêver les fans de football. Mais si certains aiment se rendre au stade, ou soutenir leur équipe préférée depuis leur canapé, d’autres vont encore plus loin en investissant directement dans leur club de cœur.

Mais est-ce une bonne idée d’investir dans un club de football ? En effet, cette activité est tout particulièrement dépendante de résultats sportifs qui peuvent parfois être aléatoires et se jouer sur des détails qui échappent à la rationalité. Regardons tout cela de plus près.

Depuis quand et dans quels clubs peut-on investir ?

Tout commence avec le club anglais de Tottenham en 1983. Pour la construction de son nouveau stade de Northumberland Park, ce club londonien avait ouvert son capital dans le but de récolter près de 350 000 livres sterling. Une tentative couronnée de succès qui a inspiré d’autres équipes européennes qui décident par la suite de se lancer également dans l'aventure. 

Parmi les plus importants, on retrouve la Juventus Turin, l’AS Roma et la Lazio de Rome en Italie. En Allemagne, seul le Borussia Dortmund a choisi d’être coté sur les marchés financiers et il en va de même en France avec l’Olympique Lyonnais, aux Pays-Bas avec l’Ajax Amsterdam ou en Écosse avec le Celtic Glasgow. Certaines équipes portugaises telles que le FC Porto et le Benfica Lisbonne ou turques à l’image de Besiktas et Galatasaray ont également décidé de sauter le pas et d’ouvrir leur capital à leurs fans et autres investisseurs.

On pourrait penser que les clubs anglais, précurseurs en la matière, font partie des plus actifs sur les marchés financiers. La Premier League anglaise est aujourd’hui de loin le championnat le plus puissant financièrement et le plus attractif pour les investisseurs. Mais il n’en est rien. Si des clubs comme Tottenham, Manchester United, Manchester City ou Arsenal sont entrés en bourse bien avant les autres, ils l’ont quittée suite à leurs rachats par de riches propriétaires.

Ces derniers ont pris cette décision pour contrôler au maximum leur club et car ils considéraient qu’il était plus rentable pour eux de faire ainsi. 

En effet, presque tous les clubs cotés en bourse ont connu une baisse de leur titre. Dans le même temps, les recettes ne cessent d’augmenter. Serait-il donc plus avantageux pour un club de football de ne pas être en bourse ?

Pourquoi certains clubs décident-ils de se lancer en bourse ?

On a donc vu que seulement quelques équipes européennes ont décidé de tenter l'aventure boursière. Mais pourquoi ont-ils décidé de le faire ?

La première chose qui peut pousser une équipe à ouvrir son capital est essentiellement la même que celle qui pousse une entreprise classique à en faire de même : elle souhaite développer son entreprise et a besoin de nouveaux fonds pour le faire. 

Imaginons que vous possédiez un club et que vous souhaitez le développer (par exemple pour construire votre propre stade et en être propriétaire). Vous n'avez pas les liquidités nécessaires pour le faire pour l'instant, car la plupart de celles-ci sont allouées au fonctionnement de votre club (les salaires de vos joueurs, les frais de fonctionnement de votre stade d’entraînement, les fonds que vous allouez aux transferts). Mais, vous ne voulez pas non plus vous adresser à une banque pour obtenir un prêt, car les taux qu'elle vous propose sont particulièrement élevés.

Vous pourriez donc décider de vendre des parts de votre club. Vous divisez la propriété de la société, ou ses capitaux propres, par exemple en 1 000 parts. Supposons que vous en vendiez 400 sur le marché libre. Vous avez vendu 40 % de votre entreprise, ce qui vous permet d’en garder le contrôle, mais vous a apporté de l'argent frais que vous n'avez pas besoin de rembourser. Toutes les personnes qui ont acheté au moins une de ces actions sont désormais copropriétaires de l'entreprise avec vous et ont droit aux bénéfices de la même manière que vous. C'est ce qu'on appelle une introduction en bourse, ou IPO (de l’Anglais Initial Public Offering).

Football et manipulation des coursLe 11 avril 2017, avant que le Borussia Dortmund n’accueille l’AS Monaco en quarts de finale de la Ligue des Champions, l’équipe allemande est victime d’une tentative d’attentat. Quelques heures avant le match, un individu déclenche trois bombes cachées dans une haie au passage du bus de l’équipe de la Ruhr, à la sortie de l'hôtel où celle-ci résidait. Par chance, les explosifs mal positionnés n'avaient que partiellement endommagé le véhicule.L’auteur des faits, un germano-russe du nom de Serguej W. avait pour but de faire baisser le cours du titre du Borussia Dortmund.L'enquête a révélé qu'il avait emprunté 50 000 euros pour financer ses spéculations. L'opération consistait à acheter des options de vente en pariant sur la baisse du cours de l'action du Borussia. Selon le parquet judiciaire : "Plus le cours de l'action aurait chuté, plus le bénéfice du suspect aurait été fort". L'auteur de l'attentat présumait qu'en tuant ou en blessant plusieurs joueurs, il parviendrait à faire chuter le cours de l'action.

Investir dans le football : une bonne idée ?

Si l’on comprend bien ce qui peut pousser des propriétaires de clubs de football à ouvrir leur capital au public, est-ce pour autant une bonne idée pour les investisseurs, qu’ils soient fans ou pas, de mettre leur argent dedans ?

À première vue, investir dans son club de cœur peut sembler alléchant pour les fans. En effet, quoi de plus intense que de se sentir lié corps, âme et porte-monnaie à une entité que l’on supporte parfois dès son plus jeune âge.

Malheureusement encore plus que pour des investissements dans des sociétés plus classiques, investir dans le football peut s’avérer être plus qu’aléatoire. C’est même souvent plus risqué que d’investir dans des obligations ou des ETF. D'ailleurs, les résultats des différents clubs cotés en Bourse sont très variables. Ainsi, si le cours de l’Ajax Amsterdam a doublé ces dix dernières années, celui du Borussia Dortmund a diminué de moitié depuis son introduction il y a 20 ans. Quant à celui d’un club comme l’Olympique Lyonnais, son cours a même chuté de près de 85% depuis l’introduction du club en bourse en 2007, passant de 13,14 euros l’action à 2,34 euros à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Pour quelles raisons le cours d’un club évolue ?

Alors, pourquoi est-il si fréquent d’observer des chutes aussi spectaculaires des clubs de football sur les marchés boursiers ?

Une raison fondamentale de la fluctuation des cours des clubs de football est que leurs principaux actifs sont leurs joueurs. Des joueurs qui eux-même ont une valeur sur un autre marché : celui des transferts. Un marché que l’on peut généralement considérer comme étant totalement déconnecté de la réalité économique et qui se base avant tout sur les rumeurs. Celles-ci peuvent d’ailleurs avoir une certaine influence sur le cours en bourse d’une équipe. Par exemple, en août 2018, le cours du Borussia Dortmund a connu une forte progression passant de 5,93 euros au début du mois à 7,58 euros fin août en raison d’une rumeur de transfert envoyant le joueur français Ousmane Dembélé au FC Barcelone pour plus de 100 millions d’euros. Un transfert qui se réalisera quelques semaines plus tard.

Une autre raison tient en une expression : l’incertitude du sport. Si une entreprise classique peut se fixer des objectifs raisonnables et anticiper ses résultats, cela est bien plus compliqué dans le domaine sportif. Un but contre son camp de votre défenseur lors d’un match à enjeu, une boulette de votre gardien, une blessure longue durée de votre meilleur joueur. Voici autant de raisons difficilement prévisibles qui peuvent transformer la saison de votre club en un cauchemar et l’empêcher d’atteindre les objectifs fixés. L’action du club italien de la Juventus de Turin a par exemple chuté de près de 10% après la défaite du club contre l’Olympique Lyonnais lors des 8e de finale de la Ligue des champions 2020.

Mais la beauté du football est qu'il déclenche chez les fans une décharge émotionnelle. C'est pareil pour les investisseurs.

Étant donné la volatilité des cours des clubs de football, il est possible que vous tiriez plus de plaisir en criant devant les résultats sportifs de votre club de cœur que devant l’évolution de sa valeur en bourse.

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