Lorsque j'étais adolescent et, pour être honnête, jeune adulte, je passais d'innombrables nuits blanches à jouer à Football Manager - le célèbre jeu de gestion dans lequel vous êtes à la tête d'un club de football.
Au cours de ma longue carrière d'entraîneur virtuel, j'ai eu affaire à de nombreux propriétaires de clubs, tous ayant des objectifs différents. J'ai remarqué que ces derniers pouvaient être classés en différents groupes selon les raisons pour lesquelles ils investissaient dans le football. Je me suis demandé si leurs homologues dans la vie réelle étaient les mêmes. Le monde du football est dominé par la finance - encore plus que vous ne le pensez. Voici un tour d'horizon de ceux qui possèdent des clubs, et pourquoi.
Le football comme arme diplomatique ? C’est la voie qu’ont décidé d’emprunter plusieurs pays du golfe Persique. Le Paris Saint-Germain pour le Qatar, Manchester City pour Abu Dhabi, Newcastle pour l’Arabie Saoudite, autant de clubs qui ont été achetés au cours des quinze dernières années par des États des pays du golfe. Leur but : utiliser la force médiatique de ces clubs pour servir leur réputation, augmenter leur visibilité et établir leur légitimité, tout en les nichant au sein de la communauté internationale.
S’approprier un sport internationalement très populaire s’inscrit également dans le cadre d’une stratégie à plus long terme pour ces pays afin de diversifier leur économie en préparation de l’ère post-pétrole, tout en soignant leur image à l’étranger.
Le Qatar, propriétaire du PSG, est même allé plus loin en s’adjugeant l’organisation de la prochaine Coupe du Monde qui se déroulera cet automne dans le petit État gazier.
Acheter un club de football coûte cher. Le club anglais de Chelsea, qui appartient à l’oligarque russe Roman Abramovich, est par exemple sur le point d’être vendu pour un montant avoisinant les 5 milliards d’euros à un consortium américain.
Pour parvenir à financer le rachat de ces clubs, les acquéreurs ont souvent recours à une méthode bien connue du monde de la finance : le leveraged buy-out (LBO) ou rachat avec effet de levier. Il s’agit d’un montage financier permettant le rachat d'une entreprise en ayant recours à beaucoup d'endettement.
En gros, il s’agit pour l’acquéreur d’utiliser un montant important d'argent emprunté pour financer l'acquisition. Rien de particulièrement inhabituel à cela - c'est ainsi que la plupart d'entre nous achètent nos maisons - mais l'aspect controversé d'un LBO est que l'emprunt est généralement garanti sur les actifs de la société achetée (encore une fois, un peu comme votre maison) et que la société achetée paie les intérêts du remboursement (pas comme votre maison).
Ce modèle est d’ailleurs de plus en plus utilisé de nos jours dans le monde du foot. En France, l’investisseur Gérard Lopez s’en est fait un spécialiste, lui qui a fait appel à un LBO pour acheter les clubs de Lille (qu’il a depuis quitté) et de Bordeaux (racheté à un autre fonds d’investissement américain). Toutefois, ce modèle d’investissement est peu apprécié par les supporters. En effet, nombre de ces investisseurs viennent au football car ils sont attirés par la possibilité de faire des bénéfices grâce au marché des transferts qui peut permettre des retours sur investissement très importants en peu de temps.
Pour le moment, si on prend l’exemple de la France, si certains clubs ont commencé à sortir gagnants de ce modèle (c’est le cas de Lille, champion de France 2021, mais au prix d’une grande instabilité institutionnelle), d’autres clubs comme Bordeaux, du temps de l’ancien propriétaire King Capital, se sont retrouvés en très grande difficulté, financière et sportive. Il faut comprendre que les fonds qui investissent dans le football sont souvent des fonds de capital risque pour lesquels le football constitue une Pocket marginale dans le portefeuille, un pari additionnel pour chercher du rendement diversifié. Outre la difficulté pour un fonds non spécialiste de structurer de A à Z un club (problème rencontré à Bordeaux) pour optimiser sa fonction de réponse financière, les sommes engagées au regard du reste de leur portefeuille sont faibles, et les gérants préfèrent couper leurs pertes plutôt que de maintenir le club en vie trop longtemps.
Certains collectionnent les cartes Pokemon, d’autres les disques et certains, un peu plus fortunés, les clubs de football. Aujourd’hui, de plus en plus de clubs sont entre les mains d’un même propriétaire, d’un même groupe ou de personnes liées par le sang ou les affaires.
Un des précurseurs chez les collectionneurs de clubs de football est la famille Pozzo, qui a pendant un temps détenu trois clubs en Europe : Watford en Angleterre, l’Udinese en Italie et Grenade en Espagne (que la famille a revendu en 2016). On peut évidemment également penser au groupe Red Bull qui détient des clubs en Autriche, Allemagne, États-Unis, mais aussi au Brésil, ou encore à la holding City Football Group qui possède une douzaine de clubs à travers le monde dont… Manchester City.
Alors quel est l’avantage d’être un collectionneur de clubs de foot et pourquoi assiste-t-on à l'émergence de ce qu’on pourrait appeler des multinationales du sport ?
En fait, entre les clubs d’un même propriétaire, il existe toujours une hiérarchie. Pour l’écurie principale, l’intérêt est de réduire des effectifs parfois surchargés en prêtant des jeunes à fort potentiel qui pourront s’aguerrir dans d’autres championnats, tout en s’assurant la priorité sur les meilleurs éléments des autres clubs. Pour ces derniers, il s’agit d’une opportunité pour se renforcer à moindre coût.
Quand quelqu’un investit dans un club de football et en devient propriétaire, on suppose que ce dernier est un fan acharné du club qui a réalisé un fantasme d’enfant. Mais ce genre de propriétaire se fait de plus en plus rare dans le monde du football professionnel et tout particulièrement dans les plus grands clubs européens. Aujourd’hui, on pourrait même les compter même sur les doigts d’une main. La personnalité la plus connue parmi ces philanthropes du monde sportif est probablement François Pinault. Le fondateur du groupe Kering (Gucci, Yves Saint-Laurent, Alexander McQueen…), ne se contente pas d’être un des hommes les plus riches du monde et un des plus importants collectionneurs d’art contemporain ; il est aussi un supporter historique du Stade Rennais, dont il est devenu le propriétaire et mécène en 1998.
Ce statut de mécène, de nombreux propriétaires de clubs italiens l’ont assumé du temps de la splendeur de ce dernier. En vrac, on pourrait parler du romantique Massimo Morratti à l’Inter Milan, d’un Silvio Berlusconi pas encore lancé en politique à l’AC Milan ou encore de la famille Agnelli, qui en plus d’employer pendant longtemps une bonne part de la population de Turin dans son usine Fiat, possède également l’autre grand symbole de la ville : la Juventus Turin.
Au final, en raison de la somme croissante des montants engagés dans le sport, le football ressemble de plus en plus à n’importe quel autre business. Mais si le spectacle est de plus en plus impressionnant, le ballon rond n’y a-t-il pas perdu de son âme ?
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